A COUP DE TRAITS ZIGZAGANTS
« A coups de traits zigzagants, à coups de fuites transversales, à coups de sillages en éclairs, à coups de je ne sais quoi, toujours se reprenant, je vois se prononcer, se dérober, s’affirmer, s’assurer, s’abandonner, se reprendre, se raffermir, à coups de ponctuations, de répétitions, de secousses hésitantes, par lents dévoiements, par fissurations, par indiscernables glissements, je vois se former, se déformer, se redéformer, un édifice tressautant, un édifice en instance, en perpétuelle métamorphose et transubstantiation, allant tantôt vers la forme d’une gigantesque larve, tantôt paraissant le premier projet d’un tapir immense et presque orogénique, ou le pagne encore frémissant d’un danseur noir effondré… »
Henri Michaux
C’est l’attrait d’un territoire vierge, sans attentes particulières qui m’a amené à improviser, ex nihilo, les premiers dessins. Ces émergences sensibles sont à la fois un moyen de m’évader et de descendre en moi-même. J’aurais pu intituler ce travail « spontanéité et accident », car ma pratique du dessin consiste principalement à me rendre disponible et à accompagner ce qui surgit ; à m’adapter, sans diriger le trait dans une direction précise, c’est-à-dire en quelque sorte à laisser s’établir un lien direct entre le psychisme et la main.
Comme un robinet qu’on ouvre, je vois à chaque fois apparaître des formes inédites qui subissent des transformations et se redéfinissent pendant le processus : mondes miniatures, organismes inconnues, architectures futuristes ou primitives, animaux fantastiques, êtres oniriques ou cauchemardesques, pullulement d’une multitudes d’entités qui oscillent entre l’informe et la figuration…Dans ce « retour à un balbutiement originel », comme l’appel Henri Michaux, où le langage est oublié, je fais l’expérience d’une vrai rencontre avec l’inconnue, car ces « êtres » qui s’imposent à moi me laisse dans l’étonnement de ce qui résiste à la réification.